La dégustation oenologique : vers une sémiotisation du goût
Résumé
Avec son projet inaugural de comprendre " la vie des signes au sein de la vie sociale ", la sémiotique s'est imposée comme théorie du signe et de la signification. Sous l'impulsion de Greimas et de ses successeurs, les branches sémiotiques se sont étendues à des domaines d'application divers et orientées vers des préoccupations nouvelles. En se situant au coeur même de l'expérience, la sémiotique des passions et la tensivité ont ouvert la voie à une sémiotique du monde sensible dont les rapports problématiques entre sensation et signification en sont les principales préoccupations. Mise en discours des propriétés organoleptiques perçues, le commentaire de dégustation oenologique soulève également ce problème entre perception et énonciation. C'est parce que la perception et la sensation peuvent être envisagées comme des constituants du procès de la construction du sens que la dégustation constitue un acte sémiotique. Disciplines descriptives distinctes, la sémiotique et la dégustation oenologique partagent néanmoins des ambitions communes : la considération de la dimension sensorielle et perceptive dans la construction de la signification. Cet article se propose de montrer comment les compétences descriptives de la sémiotique permettent de palier les insuffisances de la pratique de dégustation dont un vocabulaire adéquat fait défaut. En mettant à jour les catégories fondamentales sur lesquelles repose la configuration phénoménale complexe du vin, ainsi que leurs corrélations avec les variations intentionnelles du dégustateur, il ouvre la possibilité d'une sémantisation adaptée à la dégustation (voire du monde sensible en général).