"La question du mal au cœur des Brigands de Schiller (1781)"
Résumé
Schiller, qui est aussi un philosophe, cherche dans cette pièce une réponse au problème de l'injustice sociale. Il y condamne sans ambiguïté l'action solitaire du justicier qui se met en marge des lois, car, en poursuivant le bien, il n'en commet pas moins le mal. Finalement, il anticipe ici sur la fameuse affirmation gœthéenne selon laquelle une injustice est préférable à un désordre. Cette phrase, attribuée, légitimement ou non, au grand homme, a au moins eu le mérite d'alimenter la controverse et d'inciter à la réflexion. Dans Les Brigands en tout cas, l'idée d' " ordre " est au cœur de la réflexion du héros, ordre qui est moins social que moral, puisqu'il reconnaît que " deux hommes comme [lui] suffiraient à renverser tout l'édifice du monde moral ". La peur de l'anarchie se profile à l'arrière-plan de telles déclarations, et explique également le mouvement de méfiance qui a saisi Schiller devant la révolution française après un premier élan d'enthousiasme. Pourtant, par la suite, il poursuivra sa réflexion et, dans sa dernière pièce, Guillaume Tell, il apporte une réponse plus nuancée, en justifiant le crime perpétré contre un tyran par celui qu'il considère comme le libérateur de la Suisse. En ce cas, l'utilisation d'un moyen violent et prohibé est légitimée par le but poursuivi et obtenu: la fin du despotisme et le bonheur du peuple.