Le chevalier cubo-futuriste
Résumé
Dans le Manifeste du futurisme (1909) de Marinetti, la guerre apparaît comme une œuvre d'art total qui se soumet toute activité humaine, un Gesamtkunstwerk censé dépasser ce désir de totalité du bourgeois mis en scène par l'opéra wagnérien. En revanche, la Première Guerre mondiale voit aussi émerger une nouvelle chevalerie : les pilotes de chasse. Par ailleurs, c'est avec l'introduction du casque en fer forgé, le Stahlhelm, vers 1916, puis des masques à gaz que, pour la première fois depuis plus de deux siècles, les corps des combattants ont été protégés individuellement contre l'effet des armes. Ainsi, l'iconographie de la Première Guerre mondiale connaît ces cavaliers et montures qui, protégés par les masques à gaz, évoquent les armures d'un chevalier médiéval. Mais la cruauté extrême, l'excrémentiel, l'informe et la liquéfaction qui produisent le dégoût et la nausée signifient la négation totale de la perception esthétique, donc de l'aisthesis. En revanche, par leurs armures qui prennent un aspect cubo-futuriste, les masses accroupies dans les tranchées paraissent réduites à quelques lignes de force. Le changement de stratégie militaire lors de la Guerre de 14-18 contribue ainsi à la naissance de nouvelles stratégies esthétiques, secondées par les artistes d'avant-garde - des stratégies dont l'enjeu est le corps dans son intégrité. Le texte paraîtra en 2O14 dans Jacqueline Bel, Xavier Boniface, Till Kuhnle (éd.): L'Esthétique de la guerre (Cahiers du littoral)