Diderot, Galiani, Mme d'Épinay : une nouvelle poétique épistolaire
Résumé
On a conservé 17 lettres de Diderot à Mme d'Epinay. Quant à Galiani, on sait qu'il fut le correspondant privilégié, le confident adoré de la 'belle philosophe' pendant des années (1769 1775). Les corpus sont inégaux, mais un même ton, une même verve, des tics stylistiques équivalents circulent. Nous nous sommes intéressée à la genèse de ce style initié par un Diderot pionnier en la matière, employant sa durable relation épistolaire avec Sophie Volland (1759-1774) à forger par le biais de l'écriture un mode d'être tendre, affectueux, enthousiaste, propre à pallier l'absence et la distance, et à s'attacher les êtres dont il eut besoin pour exister. Ce style, c'est notre hypothèse, fit vraisemblablement école dans le cercle d'Epinay et devint ce 'ton' que Louise d'Epinay manie à la perfection. Ressuscitant à merveille, tout comme Diderot, la " divine commère " que fut Mme de Sévigné, inventant une nouveau naturel fondé sur une familiarité plus bourgeoise et un élégant débraillé, l'épistolière donne une touche infiniment féminine à cette écriture conçue avec Galiani pour s'échanger secrets et état d'âme dans la dignité de l'amitié. Son art en effet, davantage que dans la correspondance Denis Diderot/Sophie Volland - toujours au bord du soliloque - est de savoir pénétrer au cœur du sujet, d'établir une cartographie de l'âme sans jamais verser dans la complaisance, et en accordant toujours une place de choix au correspondant.