[argumentaire] Excentricités. Colloque international et pluridiscipliaire à Boulogne-sur-Mer, du 17 au 19 novembre 2016
Résumé
« Excentricité(s) »
Colloque international et pluridisciplinaires : 17-18-19 novembre 2016
L’excentricité est un terme d’astronomie ancienne désignant la distance entre le centre de la terre et le centre du cercle
décrit par un astre ; en botanique, on parle de l’excentricité des couches ligneuses concentriques ; en termes d’artillerie, c’est
la déviation de l’axe de l’âme, autrement dit la divergence entre celui-ci et la surface extérieure d’une bouche à feu ;
emprunté à l’origine aux excentriques astronomiques, le terme d’excentricité est plus communément employé dans
l’acception particulière de bizarrerie, singularité, originalité, extravagance. Qu’il s’applique aux sciences, aux objets, aux
habitudes, aux hommes, le terme décrit toujours le décalage d’un centre par rapport à un autre.
L’excentricité, une manière de se comporter qui s'éloigne des habitudes reçues, est un phénomène connu de toutes les
civilisations complexes. Dans les moments de crise notamment, les comportements excentriques sont dénoncés comme des
symptômes de décadence. Mais en même temps, ils sont aussi des signes annonciateurs de nouvelles formes d’expression
artistique, comme le grotesque et le maniérisme à l’apogée de la Renaissance ou les mouvements d’avant-garde des
premières décennies du siècle dernier.
Au « milieu d’une société organisée, où tout est réglé » et qui a rendu comique l’idéal chevaleresque d’un Don Quichotte en
quête d’aventures, Hegel voit naître une nouvelle « chevalerie bourgeoise » dont l’imagination « dégoûtée de ce qui est, se
taille un monde à sa fantaisie, et se crée un idéal où elle puisse oublier les convenances sociales, les lois, les intérêts
positifs ». Cet esprit d’aventure peut marquer un moment de l’individuation et déboucher sur une intégration dans la société.
Une personnalité excentrique, en revanche, continue à faire valoir son individualité à tout prix. L’excentricité est donc une
attitude ostentatoire qui cherche à surprendre et à être surprise. Par ailleurs, la personnalité excentrique s’engage corps et
âme dans l’excitation, elle est entièrement vouée au piquant dénoncé par Friedrich Schlegel pour saisir « comme une crampe
une sensibilité engourdie ». C’est l’excentricité de Madame Bovary qui a amené Jules de Gaultier à considérer un tel
comportement comme une constante anthropologique qui trouve son expression parfaite dans le snobisme : « c’est
l’ensemble des moyens employés par un être pour s’opposer à l’apparition, dans le champ de la conscience, de son être
véritable, pour y faire figurer sans cesse un personnage plus beau en lequel il se reconnait ». Un tel personnage est par
exemple le dandy qui promène sa tortue pour protester contre la vitesse. L’excentricité est donc l’indicateur d’une
individualité souffrant de cette dialectique de la modernité : les valeurs de la liberté individuelle et de l’esprit créateur ont
contribué à créer l’engrenage implacable dans lequel elles finissent par être broyées. Les manières d’articuler une
personnalité excentrique sont innombrables : celle-ci peut se manifester à travers des « tics » anodins de la mode et de la
consommation, mais aussi à travers des comportements excessifs poussés jusqu’à l’autodestruction, voire jusqu’aux actes de
violence gratuits.
Les axes suivants sont envisageables pour ce colloque pluridisciplinaire :
Excentricités esthétiques, rhétoriques et littéraires (avant-gardes, kitsch, mode, culture médiatique),
Excentricité et décadence dans les théories de la civilisation,
Excentricité et norme (pédagogie, droit, sociologie et psychologie),
Excentricité et politique (histoire, sciences politiques, géographie),
Excentricité et violence (histoire, culture médiatique),
Excentricité et marché.