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Ouvrages Année : 2018

Ce qui advient... les déclinaisons de l'aventure

Florent Gabaude

Résumé

Forgé au Moyen Âge, le terme « aventure » désigne initialement l’impératif éthique de la chevalerie auquel se soumettent les chevaliers des romans courtois. Depuis Chrétien de Troyes, dont les romans évoquent des contrées à la fois idéalisées et merveilleuses des légendes celtiques (« la matière de Bretagne ») et traitent « d’un conte d’avanture / une mout bele conjointure » (Érec et Énide, prologue), la notion d’aventure est devenue non seulement l’expression de l’accomplissement de l’idéal de la chevalerie mais aussi une stratégie narrative permettant de donner un sens au hasard. Bien que, pour l’homme médiéval, la Providence (cf. E. Köhler) continue de veiller sur la destinée individuelle, c’est désormais le « conte » épique qui, notamment dans la littérature allemande, assigne à l’aventiure (mha) toute sa signification. Avec Li contes del Graal (Perceval ou le conte du Graal), roman resté inachevé, le roman courtois de Chrétien paraît prendre un tournant eschatologique : notamment dans les nombreux romans inspirés par Chrétien – des grands auteurs allemands à Le Morte d’Arthur de Thomas Malory – la quête du graal représente désormais la dernière aventure. En allemand médiéval, le terme âventiure a gagné de l’importance avec le Parzival de Wolfram von Eschenbach où la figure « frou aventiure », une allégorie de la narration, apparaît au narrateur ; par la suite, ce motif se trouvera dans de nombreux romans médiévaux de langue allemande. Chez Gottfried von Straßburg, le rapprochement de l’âventiure personnifiée et de Fortuna devient manifeste quand la première tient lieu de gouvernail : « si hæten sich mitalle ergeben an die vil armen stiure, diu das héizet âventiure ». Par ailleurs, l’aventure s’avère étroitement liée à l’amour courtois. Parallèlement aux grands romans, une littérature souvent populaire commence à se répandre qu’on appelle Aventiure- und Minneroman dont le contenu s’éloigne pourtant du roman courtois. Les déclinaisons de l’aventure (avanture, aventiure, aventura, avventura, adventure….) devient donc le pivot de toute la littérature médiévale. Aux grands romans français et allemands se joignent en Italie le Tristano et en Espagne Amadis de Gaula de Montalvo – pour ne citer que les plus connus. Ainsi, Orlando furioso d’Ariosto peut être entendu comme un épilogue empli d’ironie et de nostalgie : le chevalier Rinaldo se rend dans la forêt calédonienne, dans l’espoir d’y pouvoir renouer avec les actions des vaillants chevaliers de la table ronde. Or, au seuil de la modernité, les récits appelés « aventures » paraissent primer sur la trame épique au profit des péripéties censées divertir leur public, dans un monde où des nouvelles stratégies militaires et des changements économiques ont définitivement rendu désuète l’image du chevalier, image qui continue à se nourrir de l’époque des croisades, de ces « grandes aventures du monde chrétien, aventures dont l’objet était faux et imaginaire » (Hegel). Bien que, dans les récits d’aventure de la tradition médiévale, ce soit le fantastique qui prendra le dessus au détriment de toute vraisemblance pour finir par transformer la chevalerie en cet inaccessible rêve engendrant sous la plume de Cervantes la tragédie du « chevalier à la triste figure », le terme « aventure » gagne une nouvelle signification avec l’avènement de l’individu moderne. En tant qu’entrepreneur, conquérant et colonisateur, l’aventurier devient l’ombre du bourgeois : il assure le progrès, mais s’adonnant à l’inconnu et au risque, il ne cesse de mettre en question l’ordre que ses exploits ont rendu possible. En effet, ce n’est pas par hasard que l’aventure est souvent associée à la méthode expérimentale (Michael Nerlich) ; ainsi, il se transforme en l’image même de l’individu autonome et libre (S. Venayre).

Domaines

Littératures
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Dates et versions

hal-02078000 , version 1 (24-03-2019)

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  • HAL Id : hal-02078000 , version 1

Citer

Florent Gabaude (Dir.). Ce qui advient... les déclinaisons de l'aventure : Actes du Colloque international des 14, 15 et 16 Mars 2018 (Maison de la Culture d'Amiens). Danielle Buschinger; Mathieu Olivier; Till Kuhnle; Florent Gabaude; Marie-Geneviève Grossel; Pierre Levron. Presses du Centre d’Etudes Médiévales de Picardie, 67, 2018, Médiévales, Danielle Buschinger, 978-2-901121-77-0. ⟨hal-02078000⟩
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